lundi 5 mai 2014

La ferme africaine

Oh pauvre petit blog abandonné depuis quelques mois déjà.... je ne sais même plus comment faire pour écouler toutes les chroniques de mes lectures qui se sont accumulées au fil des mois.

Alors je reprends le chemin des chroniques avec mon dernier livre lu et fini ce matin (enfin edit du jour.... il y a déjà une semaine maintenant que j'ai entamé ce post ^-^)
La Ferme Africaine de Karen Blixen



Quel livre! Quelle histoire!, que j'ai d'abord découvert par le magnifique film de Sydney Pollack, vu il y a des années et revu il y a peu. Et puis, en furetant dans les allées d'une librairie au rayon littérature scandinave, je suis tombée sur La ferme africaine. Intriguée, j'ai voulu voir un peu le style... quelques lignes plus tard et me voilà déjà accrochée. Je suis bien entendu repartie avec.

J'ai possédé une ferme en Afrique, au pied du Ngong. [...]
Fermez les yeux, souvenez vous de la superbe voix de Meryl Streep et son phrasé si spécial et hop, le grand voyage démarre.

Rien que pour l'entendre

Plutôt que de raconter l'histoire de La ferme africaine, qui n'est autre que le récit des années que Karen Blixen a passé en Afrique, dans sa ferme adorée, j'ai plus envie d'écrire certaines citations qui m'ont marquées, frappées ou que j'ai trouvé tellement belles qu'il fallait que je m'en souvienne.
J'ai rarement corné autant un livre tellement de nombreux passages me plaisaient (corné légèrement - oui je sais, c'est maaaaal d’abîmer un livre, mais j'ai rarement de quoi faire autrement sous la main et je préfère ça et pouvoir retrouver ces passages et pouvoir me replonger dedans dès que je le souhaite) . Car l'écriture de Karen Blixen est grandiose, poétique, limpide et juste. Sincère. Le tour de force de Karen Blixen est de décrire chaque petit élément de sa vie en Afrique, de sa ferme, des gens qu'elle côtoyait, des petites histoires ou des grandes histoires de façon simple et de nous les faire ressentir. Son écriture est très visuelle (et je ne pense pas que ce soit uniquement dû à l'existence du film), pleine de ressentis mais aussi de pudeur. Ne cherchez pas la grande histoire d'amour entre Denys et Karen dans ce récit, c'est beaucoup plus subtile et par là, beaucoup plus beau et pur. Denys est un personnage récurrent, on sent qu'il a beaucoup d'importance pour elle, qu'ils vivent une grande complicité mais cet amour n'est pas explicite. C'est certainement son jardin secret, et c'est bien ainsi.

"Denys Finch-Hatton n'avait jamais eu en Afrique d'autre maison que la ferme. Entre ses safaris, il vivait chez moi, où il avait ses livres et son gramophone. Quand il revenait à la ferme, on aurait dit que celle-ci s'ouvrait, qu'elle parlait - comme les plants de café parlent lorsqu'ils fleurissent après les premières pluies, chargés d'eau et de parfums, comme un nuage de craie." hummmm qu'est-ce que j'aimerais voir ce spectacle! Un jour?

Et a propos de Denys, de belles et douces déclarations :" Il était heureux à la ferme, car il venait seulement lorsqu'il désirait y venir. Et la ferme apprenait grâce à lui certaines qualités que le monde ne présente guère: l'humilité, la gratitude, une douceur amicale. Il ne faisait jamais que ce dont il avait envie, et il ne s'est jamais trouvé d'imposture dans ses paroles. Denys possédait cette qualité inestimable à mes yeux: il savait écouter une histoire"

La ferme africaine nous offre bien entendu de beaux passages sur la faune sauvage :
"Nous retrouvâmes la girafe, bien nette maintenant, et sur le côté éclairé par le soleil, nous distinguons les taches carrées sur sa peau. En nous approchant, nous vîmes un grand lion trônant sur elle. La route était un peu en contrebas de la charogne. Le lion se dressait donc sur elle, et se détachait sur le ciel d'or flamboyant. La brise matinale soulevait une boucle de sa crinière. Il me fit si forte impression que je me dressai dans la voiture."

ou sur les paysages qui doivent être somputeux:
"C'est grâce à Debys Finch-Hatton que j'ai éprouvé la plus grande joie de toute ma vie à la ferme: avec lui, j'ai survolé l'Afrique. [...] On découvre des panoramas somptueux lorsque l'on survole les montagnes africaines, ainsi que des combinaisons et des alternances de couleurs et de lumières stupéfiantes. L'arc-en-ciel trône sur une terre verdoyante et baignée de soleil, les nuages perpendiculaires et les orages noirs vous bringuebalent de tous côtés dans un galop endiablé, la pluie qui cingle durement blanchit le monde autour de vous et l'incline. Le langage est dépourvu de mots pour rendre ce que l'on ressent en avion, mais, avec e temps, on en forgera de nouveaux. Celui qui a survolé la Rift Valley et les volcans éteints comme le Suswa et le Longonot peut dire qu'il a vu bien du pays et des territoires aussi lointains que la face cachée de la lune. Parfois, on vole peut-être bas, et l'on voit les animaux de la plaine et l'on éprouve pour eux ce que Dieu a ressenti après les avoir créés, avant qu'Adam leur ait donné un nom."
Une citation un peu longue, mais que je ne pouvais pas ne pas mettre.... et le passage continuait ainsi.



J'ai également énormément apprécié tous les passages et anecdotes sur la vie à la ferme. Ainsi à propos de l'antilope Lullu: "Lullu n'est pas morte, ajouta Kamante. Elle est mariée. C'était une heureuse nouvelle, et fort réjouissante, mais je lui demandai comment il le savait. Bien sur qu'elle est mariée. Elle vit dans la forêt avec son Bwana, mais elle n'a pas oublié la maison."

Je n'ai pas voulu lire trop vite ce livre, j'ai voulu prendre mon temps en sa compagnie, sur cette ferme, à essayer de voir et de ressentir ce qui l'attachait à cette terre, à ces gens, à cette vie. J'ai vraiment voyagé en lisant la Ferme Africaine. Les derniers paragraphes consacrés à la vente de la ferme m'ont vraiment attristées à m'en faire pleurer.
"Là, je regardai vers le sud-ouest, vers les Ngong Hills. Les courbes majestueuses des montagnes se dressaient sur la plaine environnante, d'un bleu plus foncé que le ciel. Mais nous étions déjà si loin que l'on distinguait à peine les quatre sommets dans la longue chaîne. La vue était différente de celle que j'avais à la ferme, comme si c'était d'autres montagnes. Leurs contours furent lentement lissés et effacés par la distance." Fin - Et je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une pensée pour un ami en lisant ces phrases.

Une très très belle lecture en résumé. Cet été, j'ai la chance d'avoir été acceptée à un colloque à Copenhague. Nul doute que j'irais à visiter la maison de cette grande dame, à défaut de pouvoir me rendre au pied des Ngong Hills, du moins pour l'instant. Je l'espère. Et je suis sure de lire d'autre de ses écrits.

Poème lu par Denys,
"Troquez donc vos soupirs,
pour un air enjoué,
Je ne viendrai jamais par pitié,
Mais bien par plaisir."